La Congrégation des Feuillants

L'abbaye de Feuillant se trouve dans l'arrondissement de Muret, non loin de Toulouse, en Midi Pyrénées. Elle fut fondée par Bernard IV, comte de Comminges, en 1145. Rattachée à l'Ordre de Cîteaux quelques années plus tard, la communauté fut fervente jusqu'à la fin du XIVème siècle, époque où bien des communautés étaient fort relâchées. La situation s'aggrava lorsque l'abbaye fut mise en commende à partir de 1539.
Les choses commencèrent à changer avec la nomination de Jean de la Barrière comme abbé commendataire en 1562. L'abbé commendataire eut bien du mal à se faire accepter. Après avoir été consacré abbé par l'évêque de Toulouse, face à sa ténacité, les religieux qui ne voulaient pas suivre la réforme quittèrent la communauté, et l'abbé resta avec quatre religieux.
En 1586, la réforme de Feuillant reçut la première approbation papale de Sixte V, et l'année suivante l'abbaye comptait près de 150 religieux. La vie qu'ils menèrent alors à Feuillant était extraordinaire par sa rigueur et son austérité. La renommée de sainteté de Barrière et de ses moines attira l'attention du roi de France Henri III, qui voulut des Feuillants à Paris. A cette fin, il ordonna en 1587 de construire pour eux le monastère Saint Bernard à la Rue Saint Honoré. Le premier supérieur de Paris fut Bernard de Montgaillard. Vers la même époque, un monastère de religieuses feuillantines fut ouvert à Montesquiou-Volvestre, diocèse de Rieux, transféré plus tard à Toulouse. En 1622, sous la pression d'Anne d'Autriche, un second couvent de feuillantines fut ouvert, à Paris, dans le Faubourg Saint Jacques.
Le Pape Sixte Quint, non seulement approuva les constitutions des Feuillants, mais il demanda également l'ouverture d'un monastère à Rome. En 1587 des feuillantines occupèrent l'église des Saints Vit et Modeste, au Forum de Trajan, tandis que des moines occupèrent la basilique Sainte Pudentienne, Saint Bernard aux Thermes et Saint Sébastien aux Catacombes.
Lorsque la Ligue divisa l'adhésion des Français à Henri III, que l'on accusait de favoriser les Huguenots, les feuillants eux aussi se divisèrent. Jean de la Barrière resta fidèle au roi, tandis que Bernard de Montgaillard et la plupart des moines de Paris s'opposaient à Henri III. La concorde entre Montgaillard et Barrière était déjà battue en brèche dès le premier chapitre général de la congrégation, réuni sur ordre de Sixte Quint à Turin en 1592. Les raisons de leur opposition ne sont pas connues. Lors du second chapitre général, convoqué à Rome par le pape Clément VIII, et présidé par son délégué, Alexandre de François, dominicain, il fut demandé
- à l'abbé de Cîteaux de ne plus s'occuper de la congrégation des Feuillants,
- à l'abbé de Feuillant de démissionner et il fut assigné à résidence à Rome, accusé d'hérésie
- à l'abbé de Saint Bernard de Paris de quitter la congrégation dans les six mois.
Dom Jean de la Barrière fut réhabilité huit ans plus tard, et mourut en odeur de sainteté à Saint Bernard des Thermes en 1600.
Dom Bernard de Montgaillard quitta la France au retour d'Henri III et se réfugia à l'abbaye de Nizelles dans les Pays-Bas méridionaux. Il fut ensuite abbé réformateur de l'abbaye d'Orval.

La congrégation se développa rapidement jusqu'au milieu du XVIIème siècle. Il y eut une petite trentaine de monastères en France, dont un dans la maison natale de Saint Bernard à Fontaine lez Dijon, et il y eut une quarantaine de monastères feuillants en Italie. Des essais de fondations de feuillants en Espagne et au Portugal echouèrent.
En 1768, à l'époque de la Commission des Réguliers, il y avait en France 164 religieux répartis dans 24 maisons. La plus peuplée était Saint Bernard de Paris avec 23 moines. Ils étaient demeurés assez fervents semble-t-il, et ils ne firent l'objet d'aucune mesure de suppression. Dès cette date, semble-t-il, les feuillants ont l'air de pratiquer la "conspiration du silence"...
La congrégation de France allait disparaître dans la tourmente révolutionnaire, comme toutes les familles religieuses. La congrégation d'Italie, à cause du petit nombre de religieux, fut rattachée en 1802 par le Pape Pie VII à la congrégation de Saint Bernard.

La congrégation des Feuillants n'a donc eu que deux siècles d'existence. Mais tant par sa ferveur que par son austérité, elle a eu une très grande influence, tant en France qu'en Italie. De nos jours, on garde encore une grande admiration à l'égard des feuillants, dont la tradition fournit de merveilleux exemples de vie monastique. Même si, avec le temps, l'austérité des origines fut adoucie, l'austérité demeura la caractéristique de la congrégation.
Les historiens ont relevé l'influence des feuillants sur la renaissance catholique dans la France du XVIIème siècle, notamment en favorisant la réforme des ordres religieux. Eustache de Saint Paul et Sanche de Sainte Catherine eurent, avec beaucoup d'autres, une action notable dans ce domaine en France.
Les feuillants ont également beaucoup prêché, contrairement à la tradition cistercienne dont ils sont issus. Ils ont aussi beaucoup écrit. Il est souvent difficile de savoir si tel auteur est feuillant. Les feuillants écrivains remplaçaient généralement leur nom de famille par le nom d'un saint.

Chronologie Cistercienne