Vie de Saint Benoît par Saint Grégoire, Pape.

Chapitre XXXIV : Le miracle de Sainte Scholastique.

  1. Grégoire : Qui donc, Pierre, sera plus sublime en cette vie que Paul, lequel, par trois fois, pourtant, a prié le Seigneur pour être délivré de l'aiguillon dans sa chair, et cependant il ne put obtenir ce qu'il voulait ? A ce propos, il faut que je te raconte ce qui est arrivé au vénérable Père Benoît, car il y a une chose qu'il voulut faire mais qu'il ne put accomplir.


  2. En effet sa sœur, qui s'appelait Scholastique, consacrée au Dieu tout-puissant depuis sa plus tendre enfance, avait pris l'habitude de venir vers lui une fois par an et l'homme de Dieu descendait vers elle, au-delà de la porte, mais pas loin, dans la propriété du monastère. Or, un certain jour, elle vint comme à l'accoutumée et son vénérable frère, accompagné de ses disciples, vint vers elle. Ils passèrent tout le jour dans les louanges de Dieu et dans de saints entretiens et, tandis que les ténèbres de la nuit commençaient à s'étendre sur la terre, ils prirent ensemble leur nourriture. Comme ils étaient encore à table et que leurs saints entretiens se prolongeaient, l'heure se faisant plus tardive, la sainte moniale, sa sœur, lui fit cette demande : " Je t'en prie, ne me laisse pas cette nuit, mais reste jusqu'au matin pour que nous puissions parler encore des délices de la vie céleste. " Il lui répondit : " Que dis-tu là, ma sœur ? Passer la nuit hors de la cellule ! Je ne le puis nullement. "


  3. Or la sérénité du ciel était telle qu'aucun nuage n'apparaissait dans les airs, mais la sainte femme de moniale, après avoir entendu les paroles négatives de son frère, joignit ses doigts, posa les mains sur la table et elle s'inclina, la tête dans les mains, pour prier le Seigneur Tout-puissant. Comme elle relevait la tête de dessus la table, éclairs et tonnerre éclatèrent avec une telle force et l'inondation fut telle que ni le vénérable Benoît, ni les frères qui l'accompagnaient ne purent mettre le pied dehors et franchir le seuil du lieu où ils siégeaient. C'est que voilà ! La sainte moniale, en inclinant la tête dans ses mains, avait répandu sur la table des fleuves de larmes qui, dans un ciel serein, avaient attiré la pluie. Et ce n'est pas un peu plus tard, après la prière, que l'inondation s'ensuivit mais il y eut une telle concomitance entre prière et inondation qu'elle leva la tête de la table alors que le tonnerre éclatait déjà, à tel point que lever la tête et faire tomber la pluie, cela se produisit en un seul moment.


  4. Alors, au milieu des éclairs, du tonnerre et de cette formidable inondation de pluie, voyant qu'il ne pouvait retourner au monastère, contrarié, il commença à se plaindre en disant : " Que le Dieu Tout-puissant te pardonne, ma soeur, qu'as-tu fait là ? " Elle lui répondit : " Eh bien, voilà ! Je t'ai prié et tu n'as pas voulu m'écouter. J'ai prié mon Seigneur et lui m'a entendu. Maintenant, si tu le peux, sors donc, abandonne-moi et retourne à ton monastère. " ... Mais ne pouvant quitter l'abri du toit, lui qui n'avait pas voulu rester spontanément, demeura sur place malgré lui et ainsi se fit-il qu'il passèrent toute la nuit à veiller et que dans un échange mutuel, ils se rassasièrent de saints entretiens sur la vie spirituelle.


  5. Je t'avais bien dit qu'il avait voulu une chose mais n'avait pu l'accomplir, car si nous considérons l'état d'esprit de cet homme vénérable, il est hors de doute qu'il aurait désiré ce temps serein qu'il avait eu pour descendre, mais à l'encontre de ce qu'il voulait, il se trouva confronté à un miracle sorti d'un cœur de femme avec la force du Dieu tout-puissant. Pas étonnant qu'en cette circonstance, une femme qui désirait voir longuement son frère ait prévalu sur lui. En effet, selon la parole de saint Jean : " Dieu est amour ", c'est par un juste jugement que celle-là fut plus puissante qui aima davantage.

    Pierre : Je l'avoue, ce que tu dis là me plaît beaucoup.

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